Preludio y fuga sobre un tema de Haendel
Celle-ci est, avec la Balada mexicana et l’Intermezzo no 1 l’une des pièces les plus populaires parmi les interprètes de Ponce. La date de composition de cette pièce est difficile de certifier. La meilleure référence que nous avons, ce sont les notes pour ses entrevues à la radio de 1939, où il mentionne avoir écrit « un ‘Prélude et fugato’ sur un thème de Haendel » pendant ses études avec Krause à Berlin entre 1905 et 1906 (Ponce, 29 novembre 1939). Dans un manuscrit non-signé et qui date d’avant la première édition, on voit le titre ‘Preludio y fughetta’. Par ailleurs, le premier registre d’une prestation de cette pièce date du 4 novembre 1915 au Conservatoire national de la Havane. La partition a été éditée Peer International et sur Wagner et Levien en 1915 (Barros Corvera, 2004).
Cette pièce de style néoclassique utilise le thème de la Suite no 4 pour clavecin de Haendel (Mello&Rojas). À ce sujet, Miranda mentionne que cette œuvre rappelle le style de Busoni dont des transcriptions comme la Chaconne « furent écrites sous la conviction, identique et dans tous les aspects partagée avec Krause, en rapport au besoin et l’avantage d’étudier et arranger pianistiquement les pages du Kantor de Leipzig » (Miranda, 2020 : 335). Par ailleurs, il est intéressant de mentionner que Ponce change la tonalité de mi mineur à ré mineur. De ce fait, nous pouvons déduire que le compositeur mexicain chercher un caractère plus grave et solennel autant dans le Preludio que dans la Fuga à travers cette tonalité.
Après une courte introduction en octaves lentes et graves à la main gauche, le Prélude en ré mineur débute avec une note pédale ré grave en guise d’imitation du pédalier de l’orgue. Le thème à la soprano est accompagné par trois voix dans un contrepoint rigoureux. Ce thème apparaît sept fois dans des modulations vers sol mineur, do dièse mineur, un retour à ré mineur, la mineur pour revenir à ré mineur. Certaines de ces modulations apparaissent de façon varié comme la deuxième et la troisième dont le tissu musical est en sixtes parallèles. La quatrième et la cinquième sont présentées sous forme de question et réponse entre la soprano et l’alto. La sixième est le sommet du prélude et se trouve dans la dominante de ré avec des octaves pleines et une dynamique f qui nous ramène en diminuendo vers une reprise de la présentation du début du mouvement.
À l’instar du modèle, la Suite HWV 429, Ponce la fugue à quatre voix avec le sujet sous forme d’annonce à la manière d’une trompette seule. Au début de la fugue, le compositeur suit les règles rigoureuses de ce genre musical particulièrement avec la présentation du sujet dans les quatre voix en tonique et dominante (mes. 42-54). Ponce applique la même recette dans le premier divertissement avec une série de marches harmoniques (54-56). Le sujet apparaît ensuite dans une version raccourcie suivie d’une version complète. Le compositeur alternera ces deux présentations fréquemment au long de la fugue. Ces présentations dans différentes tonalités apparaissent aussi avec des variantes. Le tissu devient de plus en plus riche avec des accords pleins et des octaves qui doublent les voix. Après une dernière présentation sur une note pédale de la qui s’arrête sur trois accords ff, Ponce écrit débute la strette avec un canon à l’octave avec des octaves aux deux mains (mes. 89-90). Une marche harmonique avec un dialogue de tierces à la main droite et une gamme ascendante à la main gauche et suivie d’une autre progression harmonique en forme tocatta avec des octaves descendantes à la main gauche. Un dernier épisode de la fugue est un passage virtuose qui rappelle le Concerto en ré mineur de Bach. Cet épisode contient des traits virtuoses à la main droite et des croisements de la main gauche entre le registre grave et l’aigu. Ce passage, d’une très riche sonorité, précède la Coda finale. Celle-ci est la dernière présentation majestueuse du sujet en fff avec des accords pleins et des octaves dans le grave du piano à la manière d’un orgue.
Sur le plan pianistique, il est important de noter certains traits stylistiques très particulier à Ponce. Bien qu’elle n’y soit pas indiquée, l’utilisation de la pédale de soutien (celle du milieu) est très utile pour les notes pédales dans le grave du début de la pièce. Tel que mentionné dans le paragraphe précédent, la sonorité de l’orgue est le modèle à suivre. De ce fait, Ponce réussi à faire en sorte que le piano ait une sonorité gigantesque par le biais de l’utilisation des harmoniques et des octaves graves. Cette écriture permet une grande puissance sans avoir besoin de forcer le son de l’instrument. Ce trait de richesse sonore est en fait un trait très caractéristique de Ponce au piano.