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Études de concert

Nous savons que Ponce a composé au moins douze études de concert entre 1898 et 1913. D’après la biographie de Ricardo Miranda (2020), Ponce établit en 1917 une liste de pièces d’importance. Barrón Corvera (2004) nous confirme la liste d’études de concert suivante :

  1. Preludio trágico
  2. Capricho-estudio
  3. Hacia la cima (Vers le sommet)
  4. Morire habemus
  5. La hilandera de la abuelita (La fileuse de la grand-mère)
  6. Alma en primavera (Âme au printemps)
  7. Juventud (Jeunesse)
  8. Preludio galante (Prélude galant)
  9. Jarabe
  10. La vida sonríe (La vie sourit)

Tous les deux auteurs sont d’accord qu’il n’y a aucune information des nos 9 et 11 n’est disponible. En même temps, Barrón Corvera (2004) se questionne si le Caprice no 2, l’Étude de Moscheles ou d’autres pièces auraient pu faire partie des Estudios de concierto dans un premier temps.

Tout en suivant le modèle des études de Chopin et de Liszt, Ponce explore une difficulté technique dans un contexte musical ou réalise une sorte de poème en musique. De cette façon, comme mentionne Miranda « chacun affronte un aspect idiomatique particulier qui est pleinement utilisé comme un outil pour écrire ‘à travers la technique’ » (2020 : 311). Tandis que les numéros 1, 5, 6, 7, 8 et 12 entrent dans le premier critère, les 3 et 12 se retrouvent dans le deuxième. À l’instar de Liszt, Alkan et d’autres compositeurs du romantisme, Ponce donne des titres évocateurs à ces études. Dans ces œuvres, le compositeur nous démontre sa profonde connaissance technique de l’instrument et de sa sonorité fréquemment orchestrale.

Les études

Étude de concert no 1 « Preludio trágico » (Prélude tragique)  

Publiée chez Peer, cette étude en do dièse mineur explore l’effet de tremolo par le biais de la répétition des notes. Tout comme les études de Chopin, le modèle structurel de la pièce est ABA’CCoda. De ce fait, toute la pièce est écrite de cette manière, particulièrement la main droite. Ce type d’écriture rappelle le tremolando à la fin de la Vallée d’Obermann de Liszt avec le patron rythmique suivant :

La section B est la plus longue de la pièce. Il s’agit d’un passage avec beaucoup de modulations, de contrastes dynamiques brusques et avec la tendance rythmique suivante qui contribue au caractère dramatique de l’œuvre :

Ce passage a aussi un constant jeu de question-réponse entre les deux mains. Ces réponses se relaient le rythme du tremolo et font l’effet de vagues dynamiques. Ensuite, le thème retourne brièvement à la mesure 73 pour moduler subitement en mi majeur tout comme un éclairci au milieu d’une tempête. Dans un crescendo affirmé, les jeux de réponses entre les mains reviennent pour amener vers une coda d’une sonorité gigantesque. Ponce réussi cela par la répétition des accords aux deux mains qui se séparent progressivement et qui couvrent, avec les harmoniques, le plus d’extension possible de l’instrument.

Étude de concert no 5 « La hilandera de la abuelita » (Le fileuse de la grand-mère)

La partition de cette étude n’a jamais été trouvé et il est probable qu’elle n’ait jamais été écrite. Dans son entrevue à la radio en 1942, Ponce parle de son séjour d’un an à Bologne en 1905 pour ses études avec Luigi Torchi. À cette époque, il a habité chez une famille qui l’invitait fréquemment partager le repas. Ponce nous dit : « quand ils m’invitaient manger, j’aimais contempler à une grand-mère, une petite vielle madame de quatre-vingts ans, qui s’assoyait pour tisser aux après-midis. Ce fut cette scène qui a inspiré la pièce musicale La fileuse de la grand-mère » (Ponce , 1942 : 2’54”).

Cet enregistrement est la seule source pour l’enregistrement de cette pièce. À partir de ce matériel, Arturo Nieto-Dorantes et Alexandre Picard ont collaboré ensemble pour en tirer une partition de travail.

La pièce est en sol majeur et la structure est ABA’Coda. La métrique est en 3/4 et change parfois à 4/4 à certains endroits. Il s’agit d’une longue improvisation dans le style de Liszt. Ainsi, la section A est constituée d’une mélodie à la main droite sur laquelle une série d’arpèges ascendants et descendants couvrent le medium et l’aigu du clavier à la façon d’un métier à filer. Après une modulation en fa dièse, on trouve une transition basée sur des accords de septième diminués. Dans cette transition, la main droite joue la mélodie avec un accompagnement de tremolo. En même temps, elle fait un échange avec une version courte des arpèges à la main gauche. Dans une atmosphère plus calme, la section B en sol majeur prend racine à partir de la mélodie accompagnée d’accords en tremolo à la main droite sur une note pédale grave de sol. Des arpèges qui parcourent le clavier rapidement conforment le thème A en sol de façon variée et insistante. Ensuite, le tissu musical du début revient pour une conclusion paisible.

Étude de concert no 6 « Alma en primavera » (Âme au printemps)

Paolo Mello écrit au sujet de cette étude : « il existe un manuscrit de cette œuvre daté du 7 avril 1899 avec le nom de Capricho-estudio auquel le compositeur a donné une forme définitive par la suite et l’a intitulé Alma en primavera, 6o. estudio de concierto » (1996 :12). Dans ce contexte, la seule source existante de cette version définitive est un manuscrit du compositeur. D’ailleurs, la pièce en la majeur est écrite avec une structure ABCB’C’Coda. Un tissu d’accords brisés en double-croches partagés entre les deux mains conforme le matériel musical est constant tout au long de l’œuvre. Après une courte introduction, le thème en la majeur (mes. 17-32) apparaît avec une mélodie dans la voix de la soprano. Ensuite, des progressions et des modulations précèdent le retour au thème principal qui module en ré bémol majeur sans transition (mes. 53-60). Ainsi, un passage plein de modulations et progressions anticipe le retour du thème principal (mes. 98-109) en ré bémol et en la majeur ensuite. Pour terminer, la coda Presto est aussi modulante et la musique s’accélère et virevolte avec une répétition ostinato pour aboutir en un accord éblouissant de la majeur

Étude de concert no 8 « Preludio galante » (Prélude galant)

La première et seule édition disponible est celle chez Wagner y Levien. Dès le début de la pièce, la main gauche joue la mélodie dans un rythme in tempo di valse à 3/4. En même temps, des arpèges de septième majeur sous forme d’onde (ascendants et descendants) à la main droite tournent autour de cette mélodie. Dans les mots de Mello, cette texture délicate « crée une atmosphère de rêverie » (1996 :13). Ainsi, l’utilisation de l’harmonie dans cette étude est conventionnelle et sans prétention. Il s’agit d’une pièce qui explore la difficulté de l’agilité et le contrôle de la sonorité dans la délicatesse.

Cette étude en la majeur a une structure ABAB’Coda. Tout d’abord, le thème est présenté dans les premières mesures dans une simplicité harmonique qui alterne la tonique et la dominante suivi d’une cadence pour confirmer la tonalité. Ensuite, la deuxième section est une suite du même tissu musical avec des séquences harmoniques et des enchaînements qui nous ramènent vers la tonalité de départ à la mesure 41. À la suite du retour textuel du premier thème, on entend la section B’ en la mineur. Après une séquence harmonique, nous trouvons un point d’arrêt en dominante. La coda est une reprise raccourcie du matériel du début qui s’estompe dans un long arpège pp.

Étude de concert no 10 « Jarabe »

Mello nous écrit sur cette étude : « c’est la plus complexe et la seule basée sur un thème folklorique : le Jarabe zacatecano » (1996 :13). Ce genre musical typique de la région de naissance de Ponce se trouve, avec le Jarabe tapatío, parmi les plus emblématiques du Mexique. En soi, le jarabe est une sorte de pot-pourri qui consiste en une série ininterrompue de sones ou extraits de mélodies folkloriques.

En ce qui concerne l’étude, elle a été composée autour de 1912. De cette pièce, il existe un manuscrit de cette pièce ainsi qu’une transcription non signée avec la mention d’une  révision par Carlos Vázquez.

L’étude est écrite en ré majeur avec une structure ABA’Coda. Dans ce contexte, on peut affirmer qu’il s’agit d’une étude de sixtes qui se trouvent majoritairement à la main droite et parfois à la gauche. Le thème principal, en la majeur, module ensuite en fa dièse mineur. À partir de la mesure 13, les séquences en modulations de plus en plus audacieuses se suivent. Ici, les deux mains jouent des arpèges ascendants alternés avec des accords brisés descendants. De plus, le rythme à la fin de certains de ces arpèges rappelle le caractère dansant de cette danse zacatecane :  

Étude de concert no 10 « Jarabe », mes. 21

Après un point d’orgue, nous nous retrouvons dans la section centrale. Celle-ci, de caractère lyrique, est en ré majeur sur une pédale de la. À la suite d’une section de modulations, le thème se retrouve avec une élaboration d’arpèges arpèges en double-croches à la main gauche. Enfin, la tonalité de de ré majeur est affirmé à la mesure 87 pour terminer cet épisode central avec le matériel musical du début de la section. Ponce reprend le matériel de A mais avec des éléments dans un ordre différent en commençant par l’épisode tournoyant qui précède la section central (mes. 107-117). Le thème du début revient raccourci et avec quelques variantes dans la mesure 118. Finalement, la coda est construite dans des arpèges ascendants et descendants à quintes et sixtes à la main droite. L’arpège final, dans la même texture, termine la pièce avec les mains dans un mouvement contraire qui couvre la presque totalité du clavier .