Balada Mexicana
Avec l’Intermezzo no 1, la Balada mexicana est la pièce pour piano la plus célèbre et la plus jouée du répertoire de Ponce. D’ailleurs, Ponce écrit une version pour piano et orchestre en 1918. Composée au Mexique en 1914 ou 1915, elle est éditée par Wagner y Levien en 1915. Aussi, il existe une publication chez Peer et une plus récente faite par l’Université nationale de Mexico en 2000.
La pièce en la majeur est écrite dans un style tiré du grand piano romantique lisztien. Parmi les traits de ce style que nous trouvons dans cette œuvre, nous pouvons noter les octaves, des accompagnements par accords répétés et l’utilisation orchestrale de l’instrument. De plus, les thèmes sont écrite dans une texture polyphonique, souvent à quatre voix. Cet aspect témoigne de la solide formation de Ponce au plan de l’écriture. En outre, on perçoit aussi l’influence du modernisme français à travers l’utilisation de gammes par tons ou de la modalité, dans ce cas-ci, le mode lydien. Ponce se sert d’une métrique de 3/4 2/4 qu’il applique à certaines occasions, notamment dans le deuxième mouvement de la Première sonate. Finalement, la gamme rapide dans la main gauche (mes. 112- 116) est un trait fréquemment utilisé par occasions par Ponce, par exemple, dans le Preludio mexicano « Cuiden su vida ».
Composée à l’époque où Ponce énonce sa conférence « La musique et la chanson mexicaine », cette pièce est aussi est un exemple d’une de ses œuvres nationalistes. Ainsi, il prend la mélodie de la chanson El durazno (La pêche), très populaire pendant la Révolution mexicaine (1911-1917) :
Me he de comer un durazno
desde la raíz hasta el hueso,
no le hace que sea trigueña
será mi gusto y por eso.
(Je vais me manger une pêche
Depuis la racine jusqu’au noyau,
Ce n’est pas grave qu’elle soit brune
Ce sera à mon goût et c’est bien comme ça.)
Le deuxième est issu de la chanson Acuérdate de mí (Rappelle-toi de moi) de Ponce lui-même.
Acuérdate de mí, no seas ingrata,
Y oye la voz del hombre que te adora
Acuérdate de mí en alguna hora,
Soy el hombre, soy el hombre que te amó.
(Rappelle-toi de moi, ne sois pas ingrate,
Et écoute la voix de l’homme qui t’adore,
Rappelle-toi de moi à quelque moment
C’est moi l’homme,c’est moi l’homme qui t’a aimée.)
La structure de base de l’œuvre est ABA’C(Développement)A’B’Coda. Paolo Mello (2000) décrit que la pièce est écrite en trois grandes sections tout en faisant un parallèle à la forme sonate évoquée par Pablo Castellanos (Castellanos, 1982). Dans cette forme sonate avec des libertés, le premier thème en la majeur El durazno (La pêche) est présenté sous une forme polyphonique à quatre voix et à quatre reprises :

Fig. 1. Balada mexicana, mes. 1-4
Après un brève passage avec le thème ostinato en mode phrygien (m. 25-35) un nouvel motif de pont apparaît ff (m. 35-44). Par la suite, le premier fragment de El durazno est utilisé pour une séquence descendante de ré majeur à si mineur. De la mesure 61 à la 72, le premier thème s’alterne avec un passage virtuose de deux mesures qui est inséré entre chaque énonciation. Ensuite, une transition avec une gamme par tons à la main gauche (mes. 72-77) amène vers une version lyrique et dramatique (mes. 78 – 85). Finalement, la section se termine avec le premier thème qui s’estompe dans une élaboration de la majeur descendant qui se transforme en gamme par tons à partir de la mesure 90.
Une courte introduction basée sur le deuxième thème, Acuérdate de mí, met la table pour une section plus calme que la précédente :

Fig. 2. Balada mexicana, mes. 104-107
Dans une texture polyphonique, cette introduction se présente au début par imitations et ensuite avec une courte élaboration tirée du même thème (mes. 96-104). Dans une élaboration à quatre voix, le motif apparaît de façon textuelle. Ensuite, la deuxième moitié de la mélodie expose une gamme rapide à la main gauche suivi d’un trille (mes. 112-115). Dans une forme sensiblement variée, le thème est répété avec des gammes descendantes qui traversent une grande extension du medium du clavier à la façon d’une improvisation (mes. 116-127). Finalement, une brève coda (mes. 127-131) avec des gammes ascendantes et descendantes telles des vagues met fin à l’exposition du deuxième thème.
Ensuite, la section que Mello (1996) et Castellanos (1982) considèrent un développement commence en do dièse mineur à la mes. 131. De plus, El durazno revient avec des interruptions virtuoses (mes. 131- 141). Suit une séquence de modulations avec des traits arpégés rapides à la main droite (mes. 141-156) qui passe par ré mineur, sol majeur, do majeur, mi majeur pour ramener le tout à la réexposition du thème à la tonalité du début.
Ainsi, la réexposition commence à la mes. 157 avec le motif du début présenté d’une façon textuelle jusqu’à la mes. 180. Dans le passage 181-189, le passage ostinato en mode lydienest sensiblement différent de celui du début pour initier une progression insistante et en crescendo constant sur la dominante de do. Ensuite, les mesures 206-208 utilisent le rythme du thème dans un accord augmenté sur do (aussi dérivée de la gamme par tons) pour ramener le deuxième thème en la majeur (à la mesure 209) d’une façon triomphale et éloquente.
Finalement, le sommet de la pièce arrive avec le deuxième thème en octaves à la main droite (209-242). Cette mélodie est accompagnée d’octaves graves et d’accords répétés à la main gauche dans une plénitude qui couronne la pièce. La coda de l’œuvre se sert du premier thème dans une écriture de type toccata et qui parcoure tout le clavier dans une conclusion brillante.