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Trois intermezzos

Ces trois morceaux sont des œuvres de caractère principalement nostalgique. Comme les sérénades, il s’agit de pièces qui sont de styles très différents. Pendant que le numéro 1 est d’un style romantique, les numéros 2 et 3 sont d’un style plus moderniste. En revanche, les trois sont de structure ternaire comme c’est le cas avec beaucoup de pièces courtes de Ponce.

Intermezzo no 1

Publié chez Peña Gil en 1923, il est dédié à son éditeur. Cette petite pièce d’à peine deux minutes et demie est la pièce pour piano la plus célèbre et la plus enregistrée de Ponce. Vu son niveau de difficulté, c’est aussi le morceau le plus joué de ce répertoire par les pianistes amateurs. En même temps, il s’agit d’un bijou musical d’une structure ternaire (ABACoda) dans un cadre musical économique en ressources et très bien ficelé.

Après une courte introduction de sept mesures où la main gauche joue un si répété suivi d’une note longue telle une hésitation avant de se lancer dans la pièce. La main droite répond à deux voix avec un motif semblable. Cette cellule musicale d’introduction est en fait le premier thème principal de la pièce en mi mineur qui prend son envol à la mesure 5. Les phrases musicales à deux voix, souvent en tierces, sont intercalées par un silence de croche à la façon d’une respiration. La main gauche réalise une figure d’accompagnement piano d’une basse et deux accords en croches comme dans une sérénade. Le deuxième thème, tiré du premier dans sa texture en tierces, est une phrase musicale de huit mesures . Dans cette section, il n’y a plus d’interruptions à la main droite pendant que la main gauche joue un contrechant à la voix du ténor. La section centrale en mi majeur est une sorte de développement court avec le matériel du motif principal. Une transition en la mineur amène à un sommet ostinato (mes. 33-38) en arpèges rapides à la façon d’une harpe. Avec l’alternance de tonique et dominante à trois reprises et trois tessitures différentes qui aboutissent dans la dominante pendant deux mesures. Finalement, la section A revient de façon textuelle et enchaîne avec une coda où la musique s’éteint comme une chandelle au vent.

Intermezzo no 2

Cette œuvre a été publiée en 1933 par Peer International. Écrite à Paris, cet Intermezzo no 2 est d’un style postimpressionniste qui contraste avec le style romantique du premier. Dans une structure est ABA’Coda, Ponce écrit le thème A dans le mode de si majeur bien que la modalité soit plutôt dans un mode de mi phrygien. La texture est plutôt verticale et souvent en trois portées où sera couverte l’entière étendue de l’instrument. Aussi, on trouve des frottements de seconde mineure en syncope dans le motif principal. Dans les mes. 4-6, nous trouvons un dialogue soprano-alto accompagné d’une note pédale ré ostinato à la voix du ténor. Une progression agitée (mes. 8-12) cresc. ed animando nous amène à une version élargie et puissante du matériel du début ff (mes. 12-13). Une transition p subito nous conduit vers la section centrale. Cette transition de quatre mesures avec des octaves menaçantes dans le grave s’estompe progressivement.

La section centrale en mi bémol en 5/8 Allegretto mosso est écrite en mode éolien dans un motif rythmique en croches qui tournoient d’une façon presque hypnotique. La texture à quatre voix est très contrapuntique. Mis à part l’utilisation de la modalité dans sa pièce, Ponce ajoute des traits en quartes parallèles ce qui nous rappelle ses influences du modernisme français. À partir de la mesure 45, une transition qui interrompt le passage avec un accord qui est présenté en trois tessitures différentes avec un accompagnement en staccatto à la main gauche et un point d’orgue.

De son côté, la dernière grande section A’ a certaines modifications notamment en ce qui a trait à la présentation initiale. De plus, le sommet dans cette section (mes. 66-69) module une quarte plus haut par rapport au passage analogue dans la section A. Finalement, la coda reprend le matériel du début pour terminer énigmatiquement sur un ré dièse, c’est à dire, la sensible de mi phrygien.

Intermezzo (no 3)

Publiée en 1921 dans la revue mexicaine Arte y Labor sous le titre IX. Alma triste (âme triste), elle faisait partie du Glosario íntimo de Ponce. Mello&Rojas ajoutent « vingt-deux ans après le Seminario de Cultura Mexicana de la S. E. P. a publié dans son bulletin -daté de juillet 1943- la même œuvre avec le nom d’Intermezzo (Mello&Rojas, 2001). De cette republication qu’on lui a attribué le numéro 3 bien que l’auteur n’ai jamais confirmé cette numérotation.

Bien que cet Intermezzo date d’avant son voyage à Paris, tout comme le numéro 2, il a une forte influence du modernisme français. Selon Paolo Mello « nous pourrions bien le considérer -dans la vie musicale de Ponce- comme tiré d’un romantisme tardif, mais avec la présence de sonorités qui viennent à être le préambule d’étapes postérieures » (Mello, 2000 : 4). De son côté, Miranda annote qu’à partir de 1921, Ponce a exploré un style influencé du modernisme qui « prend ses distances avec tout ce qui était écrit avant » (2020 : 337).

De la même façon que les autres intermezzos, celui-ci est ternaire avec une structure ABA’Coda. Dans le motif en accords en hémioles du début, on entend un motif rythmique « un appel lointain » (Mello, 2000 :4). À partir de la mesure 4, nous avons un nouveau motif lyrique en si bémol mineur à la main gauche avec un accompagnement en syncopes à la main droite dans une atmosphère nostalgique. Le motif d’hémioles se répétera encore deux fois dont la deuxième sous forme de variation et la troisième dans des accords un peu plus élargis.

La section centrale en si majeur se compose de deux phrases très semblables l’une de l’autre. C’est alors qu’on entend une mélodie à la main gauche et un accompagnement à deux voix à la main droite. De plus, la texture générale a beaucoup de parallélismes à la façon de l’impressionnisme de Debussy. Ensuite, une transition arrive à la mesure 37 pour reprendre le thème de la section A’. De ce fait, le motif du début est écrit une fois seulement et dans une présentation plus élargie pour arriver à un dernier sommet qui conduit à la coda. Juste avant les derniers accords finaux dans la tonique, Ponce insère une phrase à la main gauche « à la manière d’un violoncelle » (Mello, 2000 :4) avec un enchaînement de notes qui désorientent la notion de tonalité de l’auditeur.