Mazurkas
La plupart des Mazurkas de Ponce ont été composées dans ses années de jeunesse entre 1900 et 1917. Dans les mots de Ricardo Miranda, au départ elles sont « conçues comme des pièces de salon » (Miranda, 2020 : 285). Cela veut dire que, bien que le modèle soit les Mazurkas de Frédéric Chopin, il s’agit d’un genre emblématique de la musique de salon du Mexique qui était très populaire au tournant du 20e siècle.
Paolo Mello nous explique une partie de l’histoire des Mazurkas de la façon suivante :
En 1938, il (Ponce) les réécrit, en laissant un manuscrit de 55 pages qui inclut de la no 1 à la no 19. Les nos 20, 21 et 22 n’ont pas été retrouvées, pendant que les nos 23 et 27 font partie de celles qui ont été éditées. Cette dernière, pour des raisons que nous ne connaissons pas, correspond à la no 18 du manuscrit mentionné plus haut. Il n’y a aucune information des nos 24 à 26 (Mello&Rojas, 1996).
En 2002, la Faculté de musique de l’Université nationale autonome du Mexique (UNAM) a fait une version éditée des Mazurkas par Lourdes Rebollo. Ce recueil analytique rassemble celles du manuscrit des mazurkas 1-20, ainsi que certaines dont la Mazurka espagnole ou les Mazurkas de salon pour en arriver à un total de vingt-cinq mazurkas.
Il est important de noter que la plupart des mazurkas sont écrites en forme rondo. Certaines exceptions existent dont la numéro 19 ou la Mazurca española. Les refrains sont souvent en tonalité mineur et de caractère dramatique ou nostalgique. De leur côté, les couplets sont en tonalité majeur. En général, le premier est virtuose pendant que le deuxième est davantage lyrique et éloquent. Harmoniquement, Ponce se sert de ce genre musical pour mener le plus loin possible son expérimentation.
Mazurka no 1 en fa mineur
Cette mazurka suit de près le modèle de Chopin par son harmonie, le rythme pointé du thème principal et ses enchaînements harmoniques inhabituels dans le deuxième couplet. Le motif du premier thème est sous forme d’un arpège ascendant basé sur l’accord de dominante avec des retards de demi-ton. Dans le premier couplet Vivo en la bémol majeur on trouve des appoggiatures rapides dans une montée par accords de la main droite pour un effet brillant. Après un retour au refrain, la mélodie du deuxième couplet se fait suivre par des modulations chromatiques pour aboutir en la majeur. Ensuite, cette transition module à nouveau pour la présentation élargie de la mélodie du couplet. Celle-ci se fait accompagner par des accords arpégés à la main gauche pour amener au sommet expressif de la pièce. La pièce se termine avec le retour textuel du refrain.
Mazurka no 4 en fa dièse mineur
Le motif du refrain est basé sur un accord arpégé de tonique à guise de redoublement d’un tambour militaire. D’ailleurs, cet arpège rapide est écrit en miroir aux deux mains. Dans un caractère plutôt martial, les redoublements se retrouvent un peu partout dans le refrain. Pour sa part, le premier couplet en do dièse majeur est à quatre voix. Le thème est basé sur un mouvement parallèle ascendant des voix avec une note pédale à la base. Ponce profite d’une rapide modulation passagère en fa mineur pour profiter d’une enharmonie qui nous ramène vers la tonique. Après un retour au refrain, le deuxième couplet en ré majeur est la section la plus lyrique de la pièce. Ici, la mélodie est plutôt tonale malgré les notes de passage est les enchaînements de tendance chromatique. Ensuite, on retrouve une version élargie en octaves avec un accompagnement de larges arpèges à la main gauche. Un sentiment de surprise et d’instabilité se produisent lorsque le sommet arrive en sol mineur avec une suspension de tonique dans la mélodie pour enfin revenir à la tonique. Finalement, nous retrouvons le refrain textuel pour clôre la pièce.
Mazurka no 7 en fa dièse mineur
Cette mazurka est l’une des préférées du compositeur. Selon Paolo Mello, Ponce « la jouait avec fréquence » (1996 :24). Comme témoignage, nous comptons avec un enregistrement de cette pièce qu’il a réalisée en 1942. D’ailleurs, elle est en fa dièse mineur, l’une des tonalités favorites du compositeur, para exemple, son Concierto romántico pour piano et orchestre.
Le thème du début est dans est une irruption qui brise le silence :

Ce rythme est présent avec fréquence au long du refrain. Dans ce contexte, le premier enchaînement VI7-V-I contribue à cette irruption dans un passage où la tonique n’est pas dévoilée dès le départ. Ainsi, un élément mélodique expressif en octaves à la main droite complète ce motif. Dans ce passage, les enchaînements harmoniques se suivent avec des appogiatures et des modulations rapides qui contribuent à un sentiment d’instabilité.
De son côté, le premier couplet en la majeur Vivo contraste par son caractère dansant. Ensuite, des traits rapides et brillants interrompent la mélodie. Après le refrain, le deuxième couplet en ré majeur espressivo est écrit à quatre voix. Avec un accompagnement virevoltant dans la voix de l’alto et le ténor et des appuis passagers de la basse, Ponce démontre ici son savoir-faire en contrepoint. Dans la version élargie, la texture complète descend dans une progression harmonique pleine de chromatisme et d’éloquence. Le refrain revient à nouveau pour conclure la pièce.
Mazurka no 12 en si mineur
En ouverture, un rythme pointé avec des lignes mélodiques en sens contraire aux deux mains conforment le thème du refrain. Aussi, l’accord de septième diminuée sur la dominante au tout premier temps annonce l’instabilité harmonique de la pièce. Les enchaînements chromatiques se suivent dans un contexte où la tonalité semble incertaine. D’ailleurs, on ne retrouvera la tonique à la toute dernière note du refrain. En ce qui concerne le premier couplet Vivo en ré majeur, la main droite joue une mélodie en blanches pointés pendant que la main gauche joue des arpèges courts et rapides. Dans ce passage, la texture est transparente et fait contraste à la complexité harmonique du refrain. Après un retour de de ce dernier, on trouve le deuxième couplet en sol majeur avec un rythme syncopé dans un caractère instable. En outre, la main gauche répond sur ce deuxième temps avec un commentaire chromatique. Plus tard, elle fait un rythme syncopé pour une atmosphère d’agitation qui amène vers la version élargie du thème. Dans ce contexte, le thème en octaves à la main droite est accompagné par des arpèges ascendants. Enfin, un sommet grandiloquent en dominante secondaire nous amène vers la conclusion de la section et à la reprise textuelle du refrain.