Trois sérénades
Écrites à trois époques et en trois styles très différents dans la vie de Ponce, ce sont des pièces de courte durée en forme ternaire, soit ABA ou ABA’. D’ailleurs, il existe une quatrième sérénade, la Serenata mexicana « Alevántate », qui se trouverait plutôt parmi les chansons arrangées par Ponce pour voix et piano.
Serenata frívola
Publiée en 1913 chez de la Peña Gil, cette œuvre évoque clairement la sérénade du musicien devant le balcon de sa bien-aimée. Les accords de cordes à vide qui ouvrent et ferment l’épisode musical rappellent le violoniste qui accorde son instrument avant de commencer. De la même manière, Ponce emploiera cette ressource à nouveau en 1915 dans sa Serenata marina (de sa Suite cubana)où il utilise un très semblable pour débuter et terminer sa pièce.
Carlos Vázquez (cité par Miranda :2020) nous relate l’histoire de cette pièce racontée par le compositeur. Une jeune fille qui se vantait d’être compositrice a demandé à Ponce quelques mesures pour en faire la démonstration de son talent à son fiancé. Gentiment, Ponce a accepté de rendre le service et de ne pas révéler l’histoire pendant un temps.
Après cette courte introduction, nous trouvons la section A en la majeur avec deux voix à la main droite dont la soprano est la mélodie principale et l’alto un contrepoint d’accompagnement. La main gauche exécute un accompagnement semblable à celui de la guitare en sérénade.

Serenata frívola, mes. 1-10
Dans une section centrale lyrique en fa majeur, Ponce garde la texture à trois voix dans une dynamique plus intime pp. Les sixtes et les tierces sont fréquentes dans la mélodie. Ensuite, la section est interrompue par une répétition de notes mi dans plusieurs registres évocatrice de la frivolité caractéristique de la pièce. C’est de cette manière que le thème du début revient avec des petites différences notamment au niveau de l’accompagnement ainsi que d’un court retour à la section centrale en si mineur. Le retour des accords du violon et un court accord pp terminent la musique dans une ambiance furtive et coquette.
Sérenata arcaica
Composée à l’origine comme Petite sérénade en 1917, elle apparaît pour la première fois dans un supplément du El Mundo Ilustrado (Barrón Corvera, 2004). Cette sérénade en la mineur, de style plutôt néo-classique, suit la structure d’un menuet baroque. La partie A se compose de quatorze mesures dans un style contrapuntique à trois voix avec une reprise textuelle. À la manière d’une des Inventions de Bach, la soprano et l’alto se relaient les motifs principaux pendant que la main gauche apporte des passages avec un accompagnement semblable à la basse continue.

Serenata arcaica, mes. 1-5.
La section centrale en do majeur, un Trio en quelque sorte, se compose d’une mélodie principale à la soprano avec des interventions en accords des autres voix. La mélodie est virevoltante avec des notes longues qui s’alternent et des traits ondoyants en double-croches. C’est à noter l’utilisation des hémioles dans le passage des mes. 39-46. Ce passage est interrompu par une transition avec des notes pointées mi et si qui parcourent plusieurs registres de l’instrument. Finalement, la première section se répète textuellement à exception des deux dernières mesures pour en faire une conclusion légère et tendre.
Serenata romántica
Selon Carlos Vázquez (cité Mello&Rojas, 1998), il s’agit de la dernière composition de Ponce. D’ailleurs, elle est encore inédite et n’existe que sur manuscrit. Aussi, Mello&Rojas (1998) mentionnent que cette pièce nostalgique détone en style avec ses contemporaines qui étaient principalement de style moderniste.
Tout d’abord, la section A en sol majeur est composée d’un accompagnement calme avec des basses suivies d’accords syncopés à la main gauche.

Pour sa part, la main droite joue une mélodie paisible en octaves. Dans les mesures 6-11, l’atmosphère s’agite légèrement avec l’insertion des trilles courts et des appogiatures à la mélodie de la main droite. Ce resserrement est en deux séquences où le mouvement harmonique contraire des deux mains fait une sorte d’effet miroir. Ensuite, la tonalité initiale revient dans le calme précédé d’un enchainement chromatique qui donne un sentiment d’instabilité.
La section centrale più mosso en si mineur est écrite en 6/8. Dans ce passage, le caractère presque joyeux de la section et le changement métrique sont contrastant face à la section du début. Ici, l’écriture rythmique et dansante du passage et l’utilisation des accords brisés correspondent davantage à la sérénade instrumentale plutôt qu’à la lyrique du début du morceau. Après une transition sous forme de progression harmonique dans les mesures 21-25, la section A fait un retour presque textuel à exception de l’accord final de sol majeur.